Lorsque l’on est un tant soit peu intéressé par l’actualité économique de la filière Vin , les réseaux sociaux sont une source intarissable d’infos en tous genres. Au vu de l’atmosphère moribonde relayée par les différents médias qui couvrent ce secteur, mon envie actuelle serait plutôt de “reboot” mon algorithme pour arrêter les crises d’angoisse.
Depuis des mois, que ce soit sur Facebook ou Twitter, le ton est implacablement lié à une défaite de la filière à ne pas avoir su écouler des stocks, allant jusqu’à l’interventionnisme d’Etat dans une crise que les opérateurs n’ont su résoudre par eux-mêmes.
L’arrachage, le mot est lancé. L’aveu de faiblesse ultime d’une industrie qui, pour moi, n’a toujours pas su s’engager pleinement dans la seule voie qui représente son salut : le digital.
Le digital dans la filière vin: Un fleuron technologique
Ne tirons pas sur l’ambulance. Le secteur du vin a très bien su gérer sa transition digitale à un certain niveau, celui de sa distribution entre opérateurs et distributeurs.
Lorsque les grandes enseignes de distribution alimentaire ont compris l’importance d’agrémenter l’offre de leurs caves avec des produits de vigneron (en plus des marques dites “industrielles”), lorsque les importateurs ont demandé une traçabilité impeccable, les vignerons et autres petits négociants ont très vite compris qu’il leur fallait mettre des systèmes en place sur les exploitations pour être éligibles au référencement. Généralisation du gencod (GS1 a un service dédié uniquement au vin, codeonline), utilisation d’ERP et CRM connectés pour l’échange de données informatisées, dématérialisation des DRM etc… la filière a su faire évoluer les méthodes de travail des vignerons vers le digital. Les logiciels tels qu’iSAGRI, VIN.CO ou BAQIO en sont quelques exemples. On n’aura alors jamais entendu un vigneron se plaindre à devoir moderniser son outil de production car il aura tout de suite compris les bénéfices de cette transition (je ne vous pointe pas du doigt les derniers réfractaires, vous avez du y passer aussi).
Après une trentaine d’année d’évolution, on peut le dire, la filière s’est profondément modernisée pour accéder à un niveau technologique sans précédent. On en attendait pas moins du secteur qui réalise le 2eme excédent brut des exportations françaises.
Le digital, le vin et le consommateur final: Un calvaire
130 milliards. Ce résultat exprimé par la FEVAD concernant le chiffre d’affaire réalisé en 2022 sur internet devrait interpeller. Il a presque doublé en 5 ans. En 2020, selon le ministère de l’agriculture, les résultats en ligne pour la filière sont de l’ordre de 500 millions d’euros, soit …. 0,4% de part de marché (à deux années près). Et le marché se stabilise, voire est a maturité selon l’étude. Ya rien qui vous choque?
Pour poursuivre sur cette lancée, on estime que les vignerons représentent à peine un tiers de ce résultat, le reste étant trusté par les pure players et les drives d’enseigne de GMS.
Si l’on considère que 50 000 exploitations environ, selon la CNIV vinifient elles-mêmes leur production (cote mal taillée=imaginons qu’elles distribuent elles-mêmes 50% de leur production), cela ramène un chiffre d’affaire en ligne par exploitation à un peu plus de 3 000 euros/an soit 250 euros par mois.
Allez … poussons le vice. On va dire que le prix moyen TTC d’une bouteille de vin d’un vigneron est de 7 euros et que le client moyen passe une commande de 6 bouteilles en ligne. On retire les frais de livraison (hop hop hop), on arrive à quoi … moins de 4 commandes par mois sur internet pour un vigneron (et dans cette micro étude, on considère qu’ils l’ont tous fait, ce qui est faux, on est d’accord).
C’est risible.
C’est quoi le problème?
Je pense, et ça n’engage que moi, que, tous les chemins permettant un développement commercial des exploitations qui vendent directement leur vin n’ont pas été suffisamment exploités. Et je parle d’internet pour ceux qui suivent pas.
Créer du contenu sur internet (blog, posts réseaux sociaux, vidéos youtube …) pour capter du trafic et ensuite le convertir c’est la base de ce que devrait faire tout vigneron. Qu’on ne vienne pas me dire que l’utilisation du digital est compliquée, il sont su faire la transition côté B2B comme on l’a vu plus haut. Il est où alors le problème avec le B2C?
Le manque de temps? Etre vigneron c’est être aussi commercial. Internet est un canal commercial, donc pas d’excuses.
Le manque de visibilité à court terme sur l’investissement requis? Ah ça, je l’ai entendu. “Poster, ça sert à rien”, “je fais des likes, des vues, mais pas de ventes”, “ma clientèle n’est pas sur les réseaux” etc etc… Des excuses, à nouveau.
Un manque de formation? C’est évident. Réfléchir sa stratégie digitale, quelle clientèle est en ligne, sur quel réseau, à quelle fréquence et l’intégrer à sa stratégie globale pour rendre le système OMNICANAL, ça s’apprend. Créer un tunnel d’acquisition avec du contenu gratuit, capter des prospects avec des pages de capture, construire ses listes email et son tunnel de conversion, générer du contenu visuel avec des logiciels adaptés et du contenu textuel optimisé pour le référencement, ça n’est pas de tout repos. Tout cela bien sûre devant ramener vers votre boutique en ligne, elle -même optimisée pour la conversion. Mais qui a dit qu’il était facile de se développer commercialement en ligne. Personne. Tout comme il est difficile de se créer une base de clients en physique. Pour autant, le digital permet une chose que le commerce en présentiel ne permet pas : la scalabilité. Ce terme barbare veut tout simplement dire que lorsque votre stratégie en ligne est en place, elle se déploie par elle-même, de façon organique et/ou payante, mais sans que vous ayez besoin d’être à la manœuvre H24. Petite pique gratuite les gars: les brasseurs artisanaux le font 😉 .
Jetez un coup d’œil ici…
Et de conclure
Avant de demander à arracher votre patrimoine, assurez vous d’avoir mis tout en œuvre pour trouver vos leviers de croissance dans cet univers digital, que, je le sais je vous regarde, vous n’avez pas mis en place (de manière professionnelle).
Les clients, ils sont derrière leur écran de smartphone. Pas devant votre stand payé une fortune où vous les attendez. Etes vous sûres qu’ils vous voient et qu’ils ont moyen d’entrer en relation commerciale avec vous facilement?
Loi Evin? J’entends ça aussi souvent. Encore une fois des excuses. Il y a mille façons d’être, en ligne, tout à fait responsable dans votre stratégie commerciale.
Au boulot!